Le panorama de ces dix années
Après environ vingt-quatre heures de délibérations et cinq tours de scrutin, il est élu le 13 mars 2013 au soir : la traditionnelle fumée blanche apparaît à 19h06. Il choisit le nom de François en référence à François d’Assise, le saint des pauvres, de la paix, du respect de la Création. Lors des discussions préalables au conclave de 2013, l’intervention du cardinal Bergoglio, sur la nécessité pour l’Église de se réformer et de se décentrer vers ses marges, avait été particulièrement remarquée. Pour mettre en œuvre cette intention, un mois après son élection, le pape François réunit un groupe de travail collégial de cardinaux pour le conseiller dans le gouvernement de l’Église et, plus particulièrement, étudier un projet de réforme de la Curie. Suivant les recommandations de ce conseil, François a peu à peu réformé les structures de la Curie, touchant en premier lieu ses organes de gestions administrative et financières, ses moyens de communication, puis ses dicastères eux-mêmes dans une démarche devant aboutir à la promulgation d’une nouvelle constitution apostolique. Cette nouvelle constitution est publiée le 19 mars 2022. Elle ambitionne de transformer la Curie en « un outil plus tourné vers le monde », une structure plus missionnaire et davantage au service de l’évangélisation et des Églises particulières d’où « faire remonter du terrain les meilleures initiatives prises par les catholiques ».
Le Pape invite aussi les Églises locales, nationales et continentales à jouer un plus grand rôle et à devenir davantage synodales. Il dénonce au contraire le cléricalisme, la trop grande distance entre les membres du clergé et les fidèles. Il rappelle que les clercs ont d’abord une obligation de service envers les fidèles et non des pouvoirs sur eux. Concernant la place des femmes dans l’Église, il estime nécessaire « d’agrandir les espaces pour une présence féminine plus incisive dans l’Église » et appelle à réfléchir sur la place précise des femmes, [...] là où s’exerce l’autorité dans les différents domaines de l’Église ». Plusieurs nominations importantes ont manifesté cette volonté.
Le Pape veut des pasteurs proches du troupeau, qui « prennent son odeur ». Il met en avant l’Évangile avant la doctrine, compare l’Église à un « hôpital de campagne » après une bataille : on attend d’elle qu’elle soigne les blessures « avant d’aborder le reste ». Cette approche pastorale s’est particulièrement manifestée, lors de l’année de la Miséricorde, dans ses propos sur les personnes divorcées, remariées ou homosexuelles. L’encyclique Evangelii gaudium, la Joie de l’Évangile, en 2013, est comme le programme d’un renouveau pastoral et missionnaire et la plupart des diocèses ont intégré ses principes.
Dès le début de son pontificat, François crée de nouveaux cardinaux (35 en une année), délaissant certaines villes traditionnellement cardinalices (dont Venise) et mettant l’accent sur des pasteurs dont le pape approuve la ligne pastorale et des prélats de pays du sud (Thaïlande, Cap-Vert, Birmanie, Vietnam, Nouvelle-Zélande, Tonga, etc.). Il réduit le poids de la Curie au profit des prélats qui sont chargés d’un diocèse (seulement cinq des 44 cardinaux électeurs créés lors des trois premiers consistoires du pontificat travaillent à la Curie) et celui de l’Europe (en particulier, celui de l’Italie au bénéfice des autres parties du monde).
François a effectué 40 voyages apostoliques à l’étranger depuis son accession au trône de Pierre en mars 2013, soit 176 jours de voyage et une soixantaine de pays visités. Cette moyenne le place aux côtés de Jean-Paul II qui, en 27 ans de pontificat, avait effectué 104 visites pastorales à l’étranger, soit près de 4 par an également. Le pape François a visité six pays qui ne l’avaient encore jamais été par un pape : la Birmanie, la Macédoine du Nord, les Émirats arabes unis, l’Irak, Bahreïn et puis le Soudan du Sud.
Il a, par ailleurs, effectué plus de visites en Italie, dont la première sur l’île italienne de Lampedusa, porte d’entrée en Europe pour de nombreux migrants africains. Le message en leur faveur fut ensuite constamment répété par le pape, acharné à lutter contre « la culture du bien-être » qui rend les hommes « insensibles aux cris d’autrui (...) et aboutit à une globalisation de l’indifférence ».
Parmi les insistances du pape François se trouve le respect de la Création. Sa deuxième encyclique, Laudato si’ fut présentée le 18 juin 2015, quelques mois avant la conférence de Paris sur les changements climatiques ; elle est la première encyclique à traiter spécifiquement des questions liées à la sauvegarde de la Création, à l’écologie intégrale et au développement durable. François constate les effets des activités humaines sur l’environnement (réchauffement climatique...), critique le court-termisme de notre civilisation, voit dans « la globalisation du paradigme technocratique » la cause de la crise écologique actuelle, se préoccupe de l’« inégalité planétaire entre les pays du Nord et les pays du Sud et notamment des pays les plus pauvres, se montre attentif aux besoins des générations futures.
Le dialogue œcuménique et interreligieux est également une priorité du pontificat. Le patriarche œcuménique Bartholomée Ier de Constantinople était présent lors de son premier voyage en Terre sainte, en mai 2014, et le chef de l’Église anglicane était avec François au Soudan du Sud. Avec Ahmed el-Tayeb, recteur de l’université al-Azhar, plusieurs rencontres ont abouti à une déclaration commune et à l’encyclique Fratelli tutti, sur la fraternité humaine.