Dimanche 2 avril, la Convention citoyenne sur la fin de vie a adopté un ensemble de propositions qui a été transmis le lendemain au président de la République. Il a annoncé un projet de loi d'ici la fin de l'été 2023 et un « plan décennal pour la prise en charge de la douleur et des soins palliatifs ».
Dans ce rapport voté à 162 voix pour, 6 contre, 8 abstentions, les 184 citoyens tirés au sort soulignent d’abord la nécessité de renforcer l’accès à l’accompagnement de la fin de vie. Ils mettent en exergue une « inégalité d’accès », malgré le cadre offert par la loi Claeys-Leonetti, et demandent donc un accès pour tous et partout, la garantie des budgets nécessaires et la formation des soignants sur les soins palliatifs.
Ils se disent également en faveur de l’aide active à mourir (75,6% des votants). Ils rassemblent derrière cette proposition le suicide assisté et l’euthanasie. Près d'un quart se sont prononcés contre.
Dans un communiqué, la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) et plusieurs organisations de soignants ont réagi. S’ils saluent les propositions en faveur du développement de l’offre de soin, ils s’inquiètent de « la légalisation d’une forme de mort médicalement administrée qui reviendrait à subvertir la notion même de soin ». « Une telle évolution pourrait s’avérer être un signal très négatif donné aux personnes les plus vulnérables », alertent-elles.
Samedi 1er avril, l'Ordre des médecins a également affiché son opposition à l'aide médicale à mourir. Il estime « impératif de permettre une meilleure application de la loi Claeys Leonetti » et affirme qu'il « sera défavorable à la participation d’un médecin à un processus qui mènerait à une euthanasie, le médecin ne pouvant provoquer délibérément la mort par l’administration d’un produit létal ». L'Ordre des médecins établit des exigences en cas de légalisation, dont une clause de conscience.
Le contexte en France
Vendredi 9 décembre 2022 s'est ouvert la convention citoyenne sur la fin de vie, confiée au Conseil économique, social et environnemental (Cese). Jusqu'au 2 avril 2023 (la date a été repoussée de deux semaines), 185 adultes, tirés au sort, seront formés et réfléchiront à la question : « Le cadre d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? » Cette convention citoyenne permettrait l'établissement d'un projet de loi envisagé en 2023.
Lors de la septième session, du 3 au 5 mars 2023, 67 propositions ont été votées pour améliorer l'accompagnement de la fin de vie, autour de neuf thèmes comme le développement des soins palliatifs, le respect de la volonté des patients, l'accompagnement à domicile, la garantie des budgets nécessaires, l'égalité d'accès à l'accompagnement de la fin de vie, l'information du grand public, la formation des professionnels de santé, l'organisation du parcours de soins, les moyens dédiés à la recherche et développement pour mieux prendre en charge la souffrance et inventer de futurs remèdes. La huitième session du 17 au 19 mars a notamment été consacrée au vote de propositions sur l'aide active à mourir.
Le lancement de la convention citoyenne intervient trois mois après la publication de l'avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE). Le CCNE s'est auto-saisi en juin 2021 et considère dans son rapport « qu’il existe une voie pour une application éthique d’une aide active à mourir, à certaines conditions strictes », qui sont les « personnes majeures atteintes de maladies graves et incurables, provoquant des souffrances physiques ou psychiques réfractaires, dont le pronostic vital est engagé à moyen terme ». Dans ce même avis consultatif, le CCNE invite le législateur à « renforcer les mesures de santé publique dans le domaine des soins palliatifs ».
La déclaration du Conseil permanent avant la remise du rapport de la convention citoyenne
À l'ouverture de l'assemblée plénière des évêques de France de mars 2023, le Conseil permanent de la CEF a publié une déclaration : « L’aide active à vivre, un engagement de fraternité ». Ils souhaite que « le débat en cours sur la fin de vie constitue l’occasion positive d’un progrès significatif de l’accompagnement et de la prise en charge notamment de la dépendance due au grand âge dans notre pays ». Ils soulignent notamment le dévouement du personnel médical et le « le développement encore insuffisant mais significatif des soins palliatifs ». « La facilité légale et économique de l’aide active à mourir »peut devenir une « injonction de renoncer à vivre » pour les personnes fragiles, alertent-ils.
Ce vendredi 9 décembre s’ouvre la Convention citoyenne sur la fin de vie. De quoi s’agit-il ? Quels sont les enj...
Repères : la position de l'Église
Ces derniers mois, la dépénalisation de l'euthanasie revient dans les débats politiques en France. La Belgique, la Suisse ou encore le Canada ont légalisé l'euthanasie ou le suicide assisté.
En février 2022, dans sa catéchèse, le pape François rappelait « que le droit aux soins et aux traitements pour tous doit toujours être prioritaire, afin que les plus faibles, notamment les personnes âgées et les malades, ne soient jamais écartés. En effet, la vie est un droit, non la mort, celle-ci doit être accueillie, non administrée ».
Les évêques de France ont également partagé leur opposition à l'euthanasie : « Présentée comme une ouverture voire un progrès, elle a l’apparence d’une liberté plus grande de chaque personne qui, dit-on, a le droit de choisir sa mort en raison de son autonomie. Elle ne nuirait en rien aux autres, est-il ajouté, puisque personne n’y serait obligé », écrivent-ils dans la lettre pastorale « Ô Mort, où est ta victoire ? ». « C’est oublier la dimension éminemment sociale de la mort, et la solidarité humaine qui en découle. »
Déjà lors du Concile Vatican II, des évêques du monde entier avaient inscrit le ferme désaccord contre l'euthanasie, au même titre que « toute espèce d’homicide, le génocide, l’avortement, l’euthanasie et même le suicide délibéré ».
Comment accompagner la fin de vie ? Actuellement en France, la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016 est en vigueur, elle est un renforcement des dispositions prises en 1999 et en 2005. Elle contient notamment la possibilité de la sédation profonde, c'est-à-dire une diminution de la vigilance qui peut aller jusqu’à la perte de conscience, par médicament, et la mise en place de directives anticipées par le patient.
Cependant, dans une émission En Débat, diffusée en février 2022, le Dr Isabelle Arbaret, chef de service à la maison médicale Jeanne Garnier (Paris) regrette la mauvaise application de cette loi : « Nous avons une bonne loi qui a besoin d’être appliqué ». Elle note une problématique financière pour les hôpitaux et un manque de formation, y compris en éthique et en philosophie, ou encore les difficultés pour mettre en place des suivis à domicile.
Mgr Pierre d'Ornellas, archevêque de Rennes et responsable du groupe de travail bioéthique à la CEF, dénonce « une faute grave de l'État depuis 1999 » [année de l'adoption des lois sur la fin de vie]. « Pourquoi l'État ne débloque pas des fonds pour débloquer les soins palliatifs ? » assène-t-il.
#Euthanasie « L'État est en faute grave depuis 1999 ! »
En plein débat sur la fin de vie, Mgr Pierre d'Ornellas @DioceseRennes interpelle les pouvoirs publics sur l'accès aux soins palliatifs et dénonce un débat biaisé.
Le CCNE et un rapport du Sénat mettent également en avant la faible application de ces dispositifs.
Le Dr Isabelle Arbaret demande de faire appliquer la loi Claeys-Leonetti de 2016. Elle évoque les problèmes financiers que rencontrent les services en soins palliatifs.
Pour contribuer à ce débat, le diocèse de Nanterre a organisé en décembre 2022 une table ronde intitulée : « Quelle fin de vie voulons-nous ? ». Le Dr Ségolène Perruchio, vice-présidente de la Société Française de Soins Palliatifs, Dominique Quinio, ancienne directrice de La Croix, membre du Comité Consultatif National d’Ethique ; Erwann Le Morhedec, avocat et blogueur, abordent cette question.
Soins palliatifs : une culture de vie face à la peur de la mort
L’engagement et le savoir-faire français des équipes en soins palliatifs est mis en péril par la légalisation programmée de l’euthanasie ou du suicide assisté. Pourquoi cette orientation apparaît-elle incompatible pour de nombreux soignants avec la démarche de soins palliatifs ? D’où viennent ces soins palliatifs ? En quoi consistent-ils ? A travers différents reportages et entretiens, cette émission Hors-les-Murs vous emmène dans plusieurs maisons de soins palliatifs en France, pour découvrir comment des soignants, les malades et leurs familles, entourés de bénévoles, font émerger une « culture de la vie » face à la peur et au tabou de la mort.