Message du cardinal Bo
Mes chers amis,
J'écris ces lignes en tant que leader spirituel, qui compatit avec des millions de personnes en ce moment. J'écris à mon cher peuple, les représentants civils, les Tatmadaw (l'armée de Birmanie) et la communauté internationale. J'ai observé avec tristesse les moments d'obscurité de notre histoire et regardé avec espoir la résilience de notre peuple dans la lutte pour sa dignité.
Nous traversons les moments les plus délicats de notre histoire. J'écris avec amour pour tous, cherchant une solution durable, priant pour la fin définitive de l'obscurité périodique qui enveloppe notre chère nation.
1. À mon cher peuple de Birmanie :
Je partage une profonde solidarité avec chacun de vous en ce moment, tandis que vous vous battez avec ces évènements inattendus et choquants qui déferlent dans notre pays. J'appelle chacun d'entre vous à rester calme et à ne jamais être victime de la violence. Nous avons versé assez de sang. Ne laissons plus le sang être versé sur cette terre. Même dans ce moment le plus critique, je crois que la paix est la seule option, la paix est possible. Il y a toujours des voies non violentes pour exprimer notre opposition. Les évènements actuels sont le triste résultat d'un manque de dialogue et de communication et de visions divergentes. Ne maintenons pas la haine en ce moment où nous luttons pour la dignité et la vérité. Que les leaders de communautés et religieux prient et encouragent les communautés à répondre pacifiquement à ces événements. Prions pour tous, prions pour tout, évitons les occasions de débordements. Nous traversons une pandémie. Nos courageux personnels de santé ont sauvé beaucoup de vies. Nous comprenons votre peine. Certains se sont résignés en signe de protestation, mais je vous supplie, n'abandonnez pas votre peuple dans le besoin en ce moment.
2. À notre général Tatmadaw et à la famille Tatmadaw :
Le monde a réagi avec stupéfaction et angoisse devant ce qui s'est passé. Quand, en 2015, une transition pacifique du gouvernement élu a été opérée par l'Armée, cela a suscité l'admiration du monde. Aujourd'hui le monde essaye de comprendre ce qui n'a pas marché les années qui ont suivi. Y a t’il eu un manque de dialogue entre les autorités civiles élues et le Tatmadaw ?
Nous avons vu tellement de peine avec ces conflits. Sept décennies de sang versé et d'usage de la violence n'ont apporté aucuns résultats. Vous avez tous promis la paix et une véritable démocratie. La démocratie était la période d'espoir pour résoudre les problèmes de ce pays autrefois riche. Cette fois des millions de personnes ont voté pour la démocratie. Notre peuple croit en une passation de pouvoir pacifique.
Maintenant le Tatmadaw a unilatéralement pris le contrôle. Cela a choqué le monde et le peuple de Birmanie. Les allégations de fraudes électorales auraient pu être résolues par le dialogue, en présence d'observateurs neutres. Une grande opportunité a été perdue. Beaucoup de chefs d’Etats ont condamné et condamneront cette action choquante.
Maintenant, vous promettez une plus grande démocratie - après une enquête et une autre élection. Le peuple birman est fatigué de ces promesses non tenues. Il n'acceptera jamais une fausse protestation. Vous avez aussi promis de tenir des élections multipartites dans un an. Comment gagnerez-vous la confiance de notre peuple ? Il y croira seulement quand les paroles seront suivies d'actions sincères.
Leur angoisse et leur déception doivent être comprises. Vous devez prouver par vos actions que vous les aimez, que vous prenez soin d'eux. Une fois de plus, je vous supplie de les traiter avec une grande dignité et pacifiquement. Qu'il n'y ait pas de violence contre notre cher peuple de Birmanie.
Hélas, les représentants élus de notre peuple appartenant à la LND ont été arrêtés. De même que de nombreux écrivains, activistes et jeunes. Je vous exhorte à respecter leurs droits et à les relâcher au plus tôt. Ce ne sont pas des prisonniers de guerre; ils sont les prisonniers d'un processus démocratique. Vous promettez la démocratie; commencez par les relâcher. Le monde vous comprendra.
3. À Aung San Suu Kyi et au Président U Win Myint et tous nos dirigeants bien-aimés :
Chers dirigeants de la LND (Ligue Nationale pour la Démocratie) : Vous êtes dans cette situation désespérée dans votre lutte sans fin pour apporter la démocratie à cette nation. Le tour inattendu des événements vous a faits prisonniers. Nous prions pour vous et exhortons toutes les personnes concernées à vous relâcher au plus tôt.
Chère Daw Aung San Suu Kyi, vous avez vécu pour notre peuple, sacrifié votre vie pour notre peuple. Vous serez toujours la voix de notre peuple. Ce sont des jours douloureux. Vous avez connu l'obscurité, vous avez connu la lumière dans cette nation. Vous n'êtes pas seulement la fille préférée du père de la nation, le Général Aung San. Vous êtes Amay Suu pour la nation. La vérité triomphera. Dieu est l'arbitre ultime de la vérité. Mais Dieu attend. En ce moment, je vous assure de ma compassion dans cette situation désespérée et je prie que vous puissiez une fois de plus marcher au milieu de votre peuple, élevant leurs esprits.
En même temps, je souhaite affirmer que cet incident a lieu à cause du manque de DIALOGUE et de communication, et du manque de tolérance mutuelle. S'il vous plaît, écoutez les autres.
4. À la communauté internationale :
Nous sommes reconnaissants pour votre préoccupation et nous sommes sensibles à votre choc. Nous sommes reconnaissants pour votre accompagnement compatissant en ce moment. Cela compte beaucoup.
Mais l'histoire a douloureusement montré que les jugements et conclusions hâtifs n'ont finalement pas servi à notre peuple. Les sanctions et les condamnations ont apporté peu de résultats, et ont plutôt fermé les portes et interrompu le dialogue. Ces mesures difficiles se sont avérées être une bénédiction pour les superpuissances qui observaient nos ressources.
Nous vous supplions de ne pas forcer les personnes concernées à marchander notre souveraineté. La communauté internationale a besoin de faire face à la réalité, en comprenant bien l'histoire et la politique économique de la Birmanie. Des sanctions risquent de faire sombrer l'économie, en jetant des millions de personnes dans la pauvreté. Engager les acteurs dans la réconciliation est le seul chemin.
Ce qui s'est passé est malheureux. Cela a anéanti notre peuple. J'écris cela en voulant les consoler. Je n'écris pas en tant que politicien. Je crois que tous les acteurs dans ce pays souhaitent le meilleur pour notre peuple. J'écris en priant et en espérant que cette grande nation, cette terre d'or d'un peuple entrera sur la scène internationale comme une communauté réconciliée, pleine d'espoir et de paix. Résolvons tous les conflits par le dialogue.
La paix est possible. La paix est la seule solution. La démocratie est la seule lumière sur ce chemin.