Fin de vie : annonces du président de la République et réactions

Publié le 11/03/2024

Alors que le président de la République Emmanuel Macron s'est prononcé en faveur d'une « aide à mourir » dans un entretien exclusif accordé aux quotidiens La Croix et Libération, plusieurs organisations de soignants, des associations catholiques, des représentants religieux ont exprimé leur déception et leur colère face à ce projet de loi. Retour sur les annonces du Président, la position de l'Église et les nombreuses réactions.

Dans un entretien exclusif accordé aux quotidiens La Croix et Libération et publié en ligne le dimanche 10 mars, Emmanuel Macron a dévoilé les grandes lignes du projet de loi sur la fin de vie qui sera débattu avant cet été. Evoquant un « nouveau modèle français de fin de vie », le président de la République a récusé les termes d’« euthanasie » et de « suicide assisté ».

Ce qu’il appelle donc une « aide à mourir » sera réservée aux personnes majeures, atteintes d’une maladie incurable. Elle concerne les patients dont le pronostic vital est engagé à court ou à moyen terme, et dont les souffrances – physiques ou psychologiques - ne peuvent pas être soulagées. Des patients qui devront être « capables d’un discernement plein et entier ». Il reviendra alors à un collège de médecins de répondre sous quinze jours à cette demande. Si l'avis est favorable, le patient pourra effectuer le geste final après prescription d’un produit létal. Dans le cas d’une autonomie insuffisante, la substance létale pourra être administrée par le médecin ou l’infirmier qui l’accompagne, ou par une personne volontaire qu'il aura désignée.

Ce projet de loi inclura également un volet pour renforcer les soins palliatifs à travers une « stratégie décennale » et, selon les informations de La Croix, des « garde-fous » tels qu’une clause de conscience garantie pour les médecins qui refuseraient de se prêter à l’acte et la « traçabilité de A à Z » pour contrôler le processus. Il s’agit notamment de doter les 21 départements qui en sont encore dépourvus d’une unité de soins palliatifs qui permet de prendre en charge les patients les plus complexes. Le plan prévoit également de renforcer les équipes mobiles de soins palliatifs qui viennent en appui pour la prise en charge des malades en fin de vie. Un effort particulier devrait concerner les soins palliatifs pédiatriques et le développement des réseaux qui assurent l’accompagnement à domicile. Actuellement, la France consacre environ 1,6 milliard d’euros de dépenses par an aux soins palliatifs. Sur les dix ans à venir, l’État s’engage à investir un milliard d’euros supplémentaires, indique La Croix.

Le président de la République s’était engagé à revenir sur la loi Claeys-Leonetti de 2016, qui encadre actuellement la fin de vie en France, et admet une « sédation profonde et continue » en cas de souffrances intolérables lorsque le pronostic vital est engagé à court terme, tout en renforçant les droits des malades contre l'acharnement thérapeutique.

Si le projet de loi était voté en l’état, ce « modèle français de la fin de vie » ouvrirait la porte à une forme de « suicide médicalement assisté » (avec exception d’euthanasie).

Le Premier ministre Gabriel Attal a précisé ce lundi 11 mars que les débats à l'Assemblée nationale devraient débuter le 27 mai. « Cette dignité passe d'abord par un meilleur accès aux soins d'accompagnement partout sur notre territoire », a indiqué le Premier ministre.

Soins palliatifs : une culture de vie face à la peur de la mort Hors les Murs

03/03/2023

La position de l'Église sur l'euthanasie

L'Eglise catholique a toujours défendu la vie humaine, de la conception à la mort naturelle. Le Magistère de l'Eglise catholique sur l'euthanasie détaille cette position claire, qui refuse de provoquer par avance la mort d'un personne malade afin d'alléger ses souffrances. « L'euthanasie volontaire, quels qu’en soient les formes et les motifs, constitue un meurtre. Elle est gravement contraire à la dignité de la personne humaine et au respect du Dieu vivant, son Créateur » (2324), indique le Catéchisme de l'Eglise catholique. Par ailleurs l'Eglise s'oppose à l'acharnement thérapeutique : « L'interruption d'actes médicaux onéreux, dangereux, extraordinaires ou disproportionnés par rapport aux résultats attendus peut être légitime. Dans ce cas, il y a renonciation à l'acharnement thérapeutique. » L'intention n'est pas de procurer la mort, mais d'accepter qu'elle ne peut être évitée.

Dans la lettre Samaritanus bonus sur l'assistance aux personnes en phase critique et terminale de la vie, approuvée par le pape François et publiée le 22 septembre 2020, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi affirme que « inguérissable n'est jamais synonyme d'incurable » : ceux qui sont touchés par une maladie en phase terminale ainsi que ceux qui sont nés avec une espérance limitée de survie ont le droit d'être accueillis, soignés, entourés d'affection. L'Église s'oppose à l'acharnement thérapeutique, mais réaffirme comme « enseignement définitif » que « l'euthanasie est un crime contre la vie humaine ».

Jean-Paul II avait lui souligné que « la tentation de l'euthanasie, c'est-à-dire de prendre possession de la mort, de la procurer à l'avance et de mettre ainsi fin “en douceur” à sa propre vie ou à celle d'autrui, devient de plus en plus forte ». En réalité, « ce qui peut sembler logique et humain, vu en profondeur, est absurde et inhumain. Nous sommes ici confrontés à l'un des symptômes les plus alarmants de la culture de la mort. »

A de nombreuses reprises, le pape François a exprimé sa position catégorique sur l'euthanasie, voulant toujours "protéger la vie". Au retour de son voyage à Marseille en septembre 2023, le Saint-Père avait ainsi déclaré : « Avec la vie, on ne joue pas, ni au début, ni à la fin. » Avant d'ajouter : « Faisons attention aux colonisations idéologiques qui détruisent la vie humaine" Je ne dis pas que c'est une histoire de foi, c'est quelque chose d'humain. C'est de la mauvaise compassion. »

Quelques mois plus tôt, le souverain pontife expliquait que « la paix exige que la vie soit défendue, un bien qui est aujourd'hui mis en danger ». Il s'opposait ainsi à « la culture du rejet qui touche malheureusement aussi les malades, les handicapés et les personnes âgées. Les Etats ont la responsabilité première de garantir l'assistance des citoyens à chaque étape de la vie humaine, jusqu'à la mort naturelle, en veillant que chaque personne se sente accompagnée et soignée, même dans les moments les plus délicats de son existence », déclarait-il dans ses voeux au Corps diplomatique.

Autre exemple en septembre 2022 : le Pape, de retour de son voyage au Kazakhstan, répondait de manière claire et concise : « Tuer, ce n'est pas humain. Si tu tues avec des motivations, tu finiras par tuer de nouveau. Ce n'est pas humain. »

 

 

Réactions et inquiétudes

Les annonces d'Emmanuel Macron ont suscité de nombreuses réactions de la part d'organisations de soignants ou d'associations catholiques. Dans un communiqué commun, 15 organisations de soignants ont ainsi exprimé leur « consternation, colère et tristesse » face à un projet de loi au « calendrier indécent » et « éloigné des besoins des patients ». Elles reprochent aussi au gouvernement de « faire le choix de la brutalité » en proposant un texte élaboré sans consultation de ceux qui le mettront en place. Et qualifient de « dérisoires » les annonces sur l’accompagnement de la fin de vie.

Un manque de moyens qu’a aussi souligné Mgr Matthieu Rougé, évêque de Nanterre, sur France Inter : « Aujourd’hui le véritable progressisme, qui permettrait sans doute au président d’entrer dans l’histoire, c’est de promouvoir massivement les soins palliatifs alors qu’un quart des département français en sont dépourvus. »

Mgr Eric de Moulins-Beaufort évoque quant à lui un « enjeu immense » dans un entretien à La Croix. Le président de la Conférence des évêques de France interpelle les parlementaires en les invitant à réaliser « le poids qu’une telle disposition fera peser sur nos concitoyennes et concitoyens malades, proches de la fin de leur vie et seuls ». « Appeler “loi de fraternité” un texte qui ouvre le suicide assisté et l’euthanasie est une tromperie », s'est-il indigné.

Invitée de la matinale de RMC, la présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) Claire Fourcade a fait part du sentiment d’abandon provoqué par ce projet de loi : « Ce projet de loi s’appelle aide active à mourir. Ça fait 25 ans que je fais de l’aide active à mourir avec l’équipe avec laquelle je travaille. Nous aidons les patients qui nous sont confiés jusqu'à leur mort, c’est notre travail. Donner la mort, c’est autre chose. » « Nous soignants ne voulons pas avoir à décider de qui doit vivre et de qui peut mourir », a-t-elle insisté dans La Croix.

Tugdual Derville, porte-parole de l’association Alliance Vita, dénonce quant à lui un projet qui « saperait le fondement de la relation soignants-soignés qu’est l’interdit de tuer ». « Si "les mots ont de l’importance", pourquoi alors dissimuler la réalité de l’euthanasie et du suicide assisté derrière l’expression "aide à mourir" ? », a dénoncé Alliance Vita dans un communiqué. « Pourquoi instiller cette ambiguïté si ce n’est pour fuir le réel ? Les enjeux auxquels les pouvoirs publics se doivent de répondre sont pourtant clairs : faire le choix de soulager les douleurs physiques, d’accompagner les souffrances psychiques des personnes en fin de vie et celles de leurs proches, de soutenir les personnes handicapées ou malades sans jamais rien céder sur la dignité de chacun. »

De leur côté, les Associations familiales catholiques s'indignent en particulier de la possibilité évoquée par Emmanuel Macron qu’un proche puisse administrer le produit létal : « C’est introduire au sein même de la famille des conflits irréconciliables. (...) Combien de souffrances cette loi apportera-t-elle aux familles déjà éprouvées par le décès ? » interrogent-elles.

 

 

 

 

 

Le débat sur la fin de vie sur KTO

01:14:02
Hors-Série
La fin de vie, au risque de la loi ?
14/11/2023

Qu’est-ce que la mort et y a-t-il un droit à mourir ? Y a-t-il un droit à la dignité jusque dans la souffrance ?...

51:35
Hors-Série
Quelle fin de vie voulons-nous ?
03/01/2023

Le débat sur la fin de vie, relancé à l’initiative du Président de la République, continue de se développer. La...

03:06
Actualités
Fin de vie : les représentants des cultes entendus à l’assemblée
02/02/2023

Ce jeudi, la mission parlementaire d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie a reçu des représent...

04:32
Actualités
Fin de vie : « Les acteurs de terrain méritent d’être entendus »
28/03/2023

Ce mardi 28 mars, réunis en Assemblée plénière à Lourdes, les évêques de France ont publié une déclaration sur l...

05:51
Trois questions à ...
Fin de vie : 1 000 km à vélo pour les soins palliatifs
24/05/2023

Depuis le 22 avril, Caroline parcourt la France sur son tricycle pour promouvoir les soins palliatifs et lutter...

05:08
Trois questions à ...
Lancement de la Convention citoyenne sur la fin de vie
07/12/2022

Ce vendredi 9 décembre s’ouvre la Convention citoyenne sur la fin de vie. De quoi s’agit-il ? Quels sont les enj...

04:13
Actualités
Fin de vie : la CEF reçue par Agnès Firmin Le Bodo
26/09/2022

Alors que le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a rendu un avis positif sur le suicide assisté le 13 s...

En débat
La fin de vie, en débat
11/02/2022

Plusieurs candidats à l’élection présidentielle - parmi lesquels Anne Hidalgo (PS), Yannick Jadot (EELV) et Jean...